Exploration du schéma industriel interactif du site chimique de Gabès.
Lors de la deuxième séance de la séquence d'
ateliers Carto organisée en Avril 2017 à Gabès avec le collectif Stop Pollution, nous avons abordé l'organisation industrielle du groupe chimique et des usines du site.
Nous envisageons de poursuivre ce travail en procédant de la même façon que ci-dessous, avec les polluants aériens, ainsi que par une approche des enjeux des nappes phréatiques à propos desquelles nous n'avions pas assez d'information pour dépasser le stade du questionnement Cf vidéo n°3)
Composé de jeunes militants de Stop Pollution, de l'équipe de kcit.org et de syndicalistes militants de la cause environnementale à Gabes, cet atelier a entrepris de comprendre la logique industrielle en place dans ce site sinistré.
La précieuse contribution de Mrs Ali et Boubaker, a permis d'en mesurer à la fois la rationalité stratégique, la logique technique de la chaîne des usines de production installées sur le site, sa rationalité économique et environnementale dévastatrice.
Pour tous les participants, leur contribution a été un moment très important de compréhension de ce à quoi l'on s'affronte.
L'expertise citoyenne en action.
Tous deux, comme d'autres militants de la région de Gabès, ont approfondi leur connaissance par un long travail d'analyse, d'autoformation, d'enquête, de collecte et de lecture de documents, allant jusqu'à étudier aussi les alternatives possibles, certains se sont même déplacés dans d'autres pays, en Chine notamment, pour visiter et comprendre des réalisations concrètes moins polluantes. Un travail de long terme qui relève de la résistance à la fois parce qu'il a commencé de longue date, sous le régime Ben Ali, mais aussi parce qu'il continue de se confronter au mépris des autorités et des milieux experts associés, voir à la répression qui s'exerce encore sous différentes formes sur certains d'entre eux.
Et pourtant, quelle gabegie que le mépris de l'expertise citoyenne par les autorités et les pouvoirs économiques !
Qu'il s'agisse de l'expertise de ces personnes, ou de celle des associations de lutte pour l'environnement, de certains médecins, et aussi des habitants et des travailleurs des usines. "On se confronte à un mur : ils détiennent le monopole de l'information, de la décision et de l'action" observe l'un des participants, un autre ajoutant:. "Ils ne fabriquent pas seulement des produits chimiques et de la pollution, ils fabriquent aussi de l'information et ont aussi fabriqué une pseudo société civile à leur service qui transmet le faux au milieu du vrai, par exemple sur la quantité d'eau des nappes phréatiques consommées par les usines, ou sur le stockage de certains produits comme le cadmium", de sorte que tout est objet de polémique ou de déni.
Mesure de la radioactivité sur les plages (source SOS Pollution Gabès). La dose de radiation maximale retenue par la Commission Internationale de Protection Nucléaire et 0,11 µS/h en moyenne.
Un autre exemple est celui de la radioactivité du phosphogypse où le déni va même jusqu'à affirmer le faux avec des expertises (voir la vidéo n° 1) alors que la radioactivité sur les plages a été mesurée au delà des seuls acceptables ( voir image à droite) selon des méthodes certifiées.
L'enjeu des acteurs économiques et institutionnels n'est plus d'affirmer la vérité mais de détruire l'idée même de vérité. A Gabès, la dégradation n'est pas seulement celle de l'environnement, de la santé et de la vie, mais bien aussi la dégradation de toute possibilité de produire des références valides.
Dans ce contexte, nos deux contributeurs ont partagé leurs connaissances avec un talent pédagogique impressionnant, acceptant aussi le débat contradictoire, pour placer le partage de l'information et de la connaissance au premier plan, conscients que c'est par là aussi et peut-être avant tout, que la société civile en lutte peut dépasser la position de victime dans laquelle on cherche à la contenir par le pernicieux chantage à l'emploi.
Schéma de l'industrie Chimique à Gabès
Nous présentons ci-après une série d'extraits vidéo des ateliers (Vidéo n° 1), la carte du site industriel ainsi qu'un schéma interactif des usines avec leurs entrants et sortants : type de matière première (origine tunisienne ou importation), produits intermédiaires ou finis, leur destinations (interne au site de Gabès, ailleurs en Tunisie comme l'ammonitrate - engrais - acheminé vers les zones agricoles du nord tunisien, ou principalement export international) , moyens de transport et les principaux polluants rejetés en mer ou à terre.
Sur la première vidéo qui présente le schéma industriel décrit par le graphique interactif ci-dessous, en plus de la compréhension de la logique industrielle, on découvrira que le seul produit spécifiquement tunisien utilisé pour l'ensemble des usines du site est le phosphate. Tous les autres produits, souvent très dangereux (souffre, ammoniaque, soude caustique, spath fluor, alumine hydratée...) sont importés par la mer. Comme l'observe Mr Ali dans la vidéo n°1, la logique d'implantation industrielle est normalement liée soit à la proximité des clients, soit à la proximité des matières premières. A Gabès, rien de tout cela. Aucune proximité ne justifie l'implantation du pôle chimique dans cette baie.
Les produits fabriqués sont principalement des produits intermédiaires pour la fabrication d'engrais, détergents et lessives, destinés à l'export.
Au départ, seul l'acide phosphorique était fabriqué sur le site principalement pour l'export vers des usines européennes, en France en particulier. Pour fabriquer ce composant, on importe du souffre par la mer (déposé à ciel ouvert dans l’enceinte du Groupe Chimique) et on achemine le phosphate provenant principalement de Redeyef par le train ( de même que l'énergie nécessaire fournie par le
petcock,
pétrole solide acheminé par camion ou train, qui polluent aussi considérablement par les poussières déposées sur le passage).
Vidéo n°2
Aperçu de la dévastation du littoral de Gabès due au rejet du phosphogypse.
Vidéo réalisée par SOS Pollution - Gabes - 2012
D'où la localisation de la première usine sur le front maritime pour l'export par bateau , mais aussi comme "solution" de facilité pour gérer les déchets par un simple rejet dans la mer. Pure folie!. Mais le choix de Gabès, tout contre l'Oasis de Chott Essalam , c'est à dire dans une région à la fois peuplée et d'une grande qualité naturelle est non seulement vécu par les habitants dans leur chaire, depuis de longues années, comme un cataclysme écologique et sanitaire, mais aussi comme une violence politique du régime précédent à l'égard de cette région (voir le dépôt de plainte déposé à l'IVD en tant que territoire victime de l’oppression du régime Ben Ali, à l'instar de la plainte déposé par Kasserine). Plus généralement l'installation d'usines hautement polluantes dans les zones habitées, comme à Sfax, etc... traduit aussi le mépris absolu de la santé humaine et de l'environnement qu'ont les autorités et les acteurs économiques depuis de décennies. Si l'usine de Sfax, qui fabriquait des produits qui l'on fabrique aussi à Gabès, à fini par fermer notamment sous la pression des mouvements anti-pollution très mobilisés, Gabès n'en voit pas le bout. ( voir la sélection d'articles ci-dessous). Les multiples annonces et engagements des pouvoirs publics et des industriels pour améliorer le procédés de production ou pour limiter les rejets polluants ne sont apparues jusqu'ici que comme des manières de gagner du temps.
L'interdiction progressive de l'exploitation industrielle de ces produits sur le sol européen à cause de la dangerosité des procédés de fabrication pour l'environnement et la santé humaine ( interdiction définitive en France à partir de 2008) à conduit à rapatrier à Gabès ces unités de production, ajoutant de nouvelles usines sur le site, avec des capitaux Français notamment (groupe Tilmat).
C'est ainsi que la catastrophe déjà en place avec le déversement en mer du phosphogypse produite par la première usine (vidéo n°2), devient cataclysmique avec l'arrivée des nouvelles usines qui utilisent des produits hautement toxiques, des procédés industriels dangereux et qui ajoutent de nouvelles sources de pollution extrêmement agressives pour la santé humaine (pollution aérienne et rejets dans la mer)
Gabès la malheureuse est ainsi devenue une des pires banlieues industrielles du Monde. Qui pourrait encore croire que la délocalisation des emplois industriels, l'économie post-coloniale et la prédation environnementale ne sont pas des piliers de la mondialisation néolibérale?
Les mouvements citoyens, Stop Pollution et beaucoup d'autres aussi à Gabès Redeyef, Sfax,... déjà actifs ou bien en train d'émerger comme peut-être dans la région de Bizerte ...., forment la première ligne de résistance à ces formes prédatrices de l'économie dont les effets planétaires sont au final la source du dramatique réchauffement climatique actuel et l'affaiblissement des capacités des sociétés à y faire face. Leur combat rigoureux et pacifique est certainement au cœur de l'avenir du pays.
Vidéo n° 1
Extraits de l'atelier :
"Exploration du site de l'industrie chimique à Gabès".
Dans cette vidéo, les participants explorent le site industriel à travers une carte et le descriptif des productions de chaque usine, leurs relations industrielles à travers la chaîne imbriquée de fabrication des produits chimiques.
On y présente aussi les pollutions rejetées à la mer. On découvre ainsi comment les intérêts des groupes chimiques tunisiens et internationaux sont reliés.
On y trouve aussi à la fin des questionnements, notamment sur les processus de pollutions dérivés et sur l'impact sur les nappes phréatiques
Schéma des industries chimiques de Gabès
Il s'agit d'un schéma interactif .
Cliquez sur les dessins pour voir le contenu des fiches associées.
Le contenu des fiches est rédigé progressivement de manière collaborative par l'équipe de kcit avec la contribution de militants de Gabès.
(travaux en cours)
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Carte interactive du port industriel de Gabès
Pour voir les commentaires, cliquez sur les tracés dans la zone industriel du port et sur les lignes de transport